jeudi 12 juin 2025

La fabuleuse histoire du médicament Exubera

La fabuleuse histoire du médicament Exubera

Tout le monde connait le diabète, cette maladie métabolique où le sucre, le glucose est en excès dans le sang ; et qui entraine comme conséquence d’avoir des piqures d’insuline plusieurs fois par jour ; les diabétiques arrivent d’ailleurs finalement à se les faire seul, sans infirmière, mais nous savons tous que c’est un enfer d’avoir à se piquer, s’injecter, avec une seringue, tous les jours (car on ne guérit jamais du diabète) des doses d’insuline. Pourquoi en piqure ? Parce que l’insuline, produit biologique fait d’acide aminés, est détruite par les acides de l’estomac, tout simplement.

Mais, vers la fin des années 1990, Pfizer un des premiers laboratoires pharmaceutiques du monde, annonçait depuis son siège à Chicago qu’il travaillait sur un nouveau produit révolutionnaire : une insuline que l’on pouvait inhaler, c’est-à-dire respirer, et qui allait rejoindre la circulation sanguine via les poumons ! Une vraie révolution que les analystes financiers de toutes les banques d’affaires allaient saluer par de conseils « à l’achat » sur Pfizer, qui avait réussi à trouver un dispositif permettant cet exploit. Enfin, quand on dit inventer, n’oublions pas que les chercheurs de Pfizer n’ont jamais rien découvert, mais que leur département de Business Devellopment est depuis toujours un des meilleurs au monde. C’est Nektar Therapeutics qui avait mis au point cet inhalateur. Après avoir acquis très cher les droits auprès de Nektar, Pfizer dut se fournir en insuline, produit pas si simple que çà à fabriquer. Or Hoechst, bientôt filiale de HMR savait très bien de l’insuline sur son site de Frankfort connu sous le nom de Hoechst Park Industrie. Un accord fut signé entre Pfizer et Hoechst pour commercialiser de ce futur produit, Pfizer apportant le mécanisme et Hoechst le produit et un nom fut choisi pour ce nouveau médicament Exubera.

Au tournant du millénaire, HMR (Hoechst Marrion Roussel fusionna avec RPR (Rhône Poulenc Rorer) pour créer Aventis, HMR apportait dans la corbeille de mariée ce bijou, futur blockbuster (produit à plusieurs milliards de dollars ou d’euros) qu’était Exubera. Avec le talent de Pfizer dans la commercialisation de produits récents, nul doute que le succès était assuré.

Patatras, fin 2003, Sanofi fit une OPA hostile sur Aventis, et l’acquit pour quelques dizaines de milliards d’Euros ; en quoi cela concernait-il Exubera ? Il y avait une clause dans le contrat prévoyant que l’un des deux partenaires faisait l’objet d’un rachat non-négocié, hostile, l’autre pouvait demander la rupture du contrat, et reprendre seul le produit avec le versement d’une indemnité définie par un tribunal d’arbitrage, les clauses de fourniture du produit étant maintenues. Les juristes introduisent souvent des « alinéas » qui peuvent se révéler, étonnants, surprenants quand ils doivent être exécutés. Pfizer se frottait les mains, demanda la rupture du contrat et pouvait lancer ce bijou seul, récolter les milliards de ventes prévus, moyennant un versement confidentiel de plusieurs milliards ; la présentation des comptes Pfizer « post mortem » parle de 1,4 milliards de dollars, en cash. Enfin Sanofi était quand même très déçu ; mais il y avait quelques experts du diabète, héritiers de la tradition Hoechst, qui osèrent dire que « l’on s’en était bien sorti » ; mystère ?

Début 2006, Pfizer partait en campagne pour lancer son produit, d’abord aux USA, avec ce que l’on appelle des « investissements promotionnels » ; cela veut dire environ 100 millions avant le lancement pour « préparer les terrain. En clair tous les diabétologues ont été gracieusement invités à tous les congrès qu’ils souhaitaient, accompagné de la personne de leur choix, évidemment. Et puis, quelques mois plus tard, le vrai lacement eut lieu, avec des milliers de visiteurs médicaux lâchés vers les cabinets des médecins, et une campagne de publicité incluant la TV ; on peut, aux USA, passer des spots publicitaires à la TV pour des médicaments remboursés, et les coupures publicitaires commencèrent par une apologie du produit Exubera ®.

Les résultats ne se firent pas attendre, et furent …. Catastrophiques ; mais alors tellement médiocres que certains, beaucoup, doutèrent des chiffres que les instituts nous envoyaient. Comment la référence mondiale en marketing pharmaceutique avait-il pu faire cela ? Tout le monde était perplexe. Les ventes finalement n’ont jamais dépassé un million de dollars par mois, soit 12 par an, pour des coûts commerciaux entre 150 et 200 millions par mois. Pas la peine d’avoir fait les grandes écoles pour valider l’étendue du désastre. Le 18 Octobre 2007, Pfizer annonça qu’il jetait l’éponge, arrêtait les frais, et retira du marché le produit, sans fleurs ni couronnes ; en langage comptable Pfizer fit, officiellement un « write off » en déclarant que la valeur de l’entreprise allait diminuer de 2,8 milliards de dollars. Toujours amusant ces dossiers où les ventes sont en millions de dollars mais les pertes en milliards.

Bien sûr, il y eut des analyses « post mortem » qui ont expliqué, démontré …etc.. Mais tous cela a été fait après, faire des prévisions après a toujours été plus simple qu’avant ; et j’ai peu lu de mots d’excuses d’un des très nombreux experts, analystes dans une grande banque d’affaires, qui avait affirmé plusieurs mois plus tôt que les 2 milliards étaient assurés.

Pour finir, nous avons le plus cuisant échec de lancement d’un nouveau produit dans l’industrie Pharmaceutique, pour un produit dont tout le monde admettait le caractère innovant, de plus lancé par le grand et plus expert groupe pharmaceutique américain. Comprenne qui pourra.


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