Tout
le monde connait le diabète, cette maladie métabolique où le sucre, le glucose
est en excès dans le sang ; et qui entraine comme conséquence d’avoir des
piqures d’insuline plusieurs fois par jour ; les diabétiques arrivent
d’ailleurs finalement à se les faire seul, sans infirmière, mais nous savons
tous que c’est un enfer d’avoir à se piquer, s’injecter, avec une seringue,
tous les jours (car on ne guérit jamais du diabète) des doses d’insuline.
Pourquoi en piqure ? Parce que l’insuline, produit biologique fait d’acide
aminés, est détruite par les acides de l’estomac, tout simplement.
Mais,
vers la fin des années 1990, Pfizer un des premiers laboratoires
pharmaceutiques du monde, annonçait depuis son siège à Chicago qu’il
travaillait sur un nouveau produit révolutionnaire : une insuline que l’on
pouvait inhaler, c’est-à-dire respirer, et qui allait rejoindre la circulation
sanguine via les poumons ! Une vraie révolution que les analystes
financiers de toutes les banques d’affaires allaient saluer par de conseils
« à l’achat » sur Pfizer, qui avait réussi à trouver un dispositif permettant
cet exploit. Enfin, quand on dit inventer, n’oublions pas que les chercheurs de
Pfizer n’ont jamais rien découvert, mais que leur département de Business
Devellopment est depuis toujours un des meilleurs au monde. C’est Nektar
Therapeutics qui avait mis au point cet inhalateur. Après avoir acquis très
cher les droits auprès de Nektar, Pfizer dut se fournir en insuline, produit
pas si simple que çà à fabriquer. Or Hoechst, bientôt filiale de HMR savait
très bien de l’insuline sur son site de Frankfort connu sous le nom de Hoechst
Park Industrie. Un accord fut signé entre Pfizer et Hoechst pour commercialiser
de ce futur produit, Pfizer apportant le mécanisme et Hoechst le produit et un
nom fut choisi pour ce nouveau médicament Exubera.
Au
tournant du millénaire, HMR (Hoechst Marrion Roussel fusionna avec RPR (Rhône
Poulenc Rorer) pour créer Aventis, HMR apportait dans la corbeille de mariée ce
bijou, futur blockbuster (produit à plusieurs milliards de dollars ou d’euros)
qu’était Exubera. Avec le talent de Pfizer dans la commercialisation de produits
récents, nul doute que le succès était assuré.
Patatras,
fin 2003, Sanofi fit une OPA hostile sur Aventis, et l’acquit pour quelques
dizaines de milliards d’Euros ; en quoi cela concernait-il Exubera ?
Il y avait une clause dans le contrat prévoyant que l’un des deux partenaires
faisait l’objet d’un rachat non-négocié, hostile, l’autre pouvait demander la
rupture du contrat, et reprendre seul le produit avec le versement d’une
indemnité définie par un tribunal d’arbitrage, les clauses de fourniture du
produit étant maintenues. Les juristes introduisent souvent des
« alinéas » qui peuvent se révéler, étonnants, surprenants quand ils
doivent être exécutés. Pfizer se frottait les mains, demanda la rupture du
contrat et pouvait lancer ce bijou seul, récolter les milliards de ventes
prévus, moyennant un versement confidentiel de plusieurs milliards ; la
présentation des comptes Pfizer « post mortem » parle de 1,4
milliards de dollars, en cash. Enfin Sanofi était quand même très déçu ;
mais il y avait quelques experts du diabète, héritiers de la tradition Hoechst,
qui osèrent dire que « l’on s’en était bien sorti » ;
mystère ?
Début
2006, Pfizer partait en campagne pour lancer son produit, d’abord aux USA, avec
ce que l’on appelle des « investissements promotionnels » ; cela
veut dire environ 100 millions avant le lancement pour « préparer les
terrain. En clair tous les diabétologues ont été gracieusement invités à tous
les congrès qu’ils souhaitaient, accompagné de la personne de leur choix,
évidemment. Et puis, quelques mois plus tard, le vrai lacement eut lieu, avec
des milliers de visiteurs médicaux lâchés vers les cabinets des médecins, et
une campagne de publicité incluant la TV ; on peut, aux USA, passer des
spots publicitaires à la TV pour des médicaments remboursés, et les coupures
publicitaires commencèrent par une apologie du produit Exubera ®.
Les
résultats ne se firent pas attendre, et furent …. Catastrophiques ; mais
alors tellement médiocres que certains, beaucoup, doutèrent des chiffres que
les instituts nous envoyaient. Comment la référence mondiale en marketing
pharmaceutique avait-il pu faire cela ? Tout le monde était perplexe. Les
ventes finalement n’ont jamais dépassé un million de dollars par mois, soit 12
par an, pour des coûts commerciaux entre 150 et 200 millions par mois. Pas la
peine d’avoir fait les grandes écoles pour valider l’étendue du désastre. Le 18
Octobre 2007, Pfizer annonça qu’il jetait l’éponge, arrêtait les frais, et
retira du marché le produit, sans fleurs ni couronnes ; en langage
comptable Pfizer fit, officiellement un « write off » en déclarant que
la valeur de l’entreprise allait diminuer de 2,8 milliards de dollars. Toujours
amusant ces dossiers où les ventes sont en millions de dollars mais les pertes
en milliards.
Bien
sûr, il y eut des analyses « post mortem » qui ont expliqué, démontré
…etc.. Mais tous cela a été fait après, faire des prévisions après a toujours
été plus simple qu’avant ; et j’ai peu lu de mots d’excuses d’un des très
nombreux experts, analystes dans une grande banque d’affaires, qui avait
affirmé plusieurs mois plus tôt que les 2 milliards étaient assurés.
Pour
finir, nous avons le plus cuisant échec de lancement d’un nouveau produit dans
l’industrie Pharmaceutique, pour un produit dont tout le monde admettait le
caractère innovant, de plus lancé par le grand et plus expert groupe
pharmaceutique américain. Comprenne qui pourra.
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