Tout le
monde se rappelle l’arrivée au pouvoir, la nomination comme premier ministre du
Général de Gaulle en 1958, tout fut parfaitement légal : le Président de
la République le nomma après la démission d’un quelqu’un dont l’histoire n’a
pas retenu le nom (Mr Pflimlin); d’une manière tout aussi légale,
l’Assemblée accorda au général les pleins pouvoirs pour 6 mois, il est vrai que
la situation en Algérie était explosive.
Cela sonna le glas de la IVème République, régime fondamentalement parlementaire comme
l’était la IIIème, dont elle a gardé globalement le mode de
fonctionnement ; le sens de mon propos n’est pas de juger si ces deux
républiques avaient ou non remplis leur missions, obtenu plus de succès que
d’échec; mais de constater que l’air du temps, la vision du Général de
Gaulle, allaient entraîner un changement majeur dans le fonctionnement de la
France, avec l’affaiblissement du pouvoir parlementaire au profit de l’exécutif :
la Vème République se mit en marche, un exécutif fort et un Parlement dont la
mission principale s’était réduit à voter les lois.
Cela aurait
pu rester une mission importante, passionnante, et ce malgré que les débuts de
la Vème aient bien démontrés que le Parlement n’avait plus beaucoup, voir
aucun, pouvoir dans la nomination (ou le renvoi) des ministres y compris le
premier d’entre eux. Une nouvelle fois, je m’épargne les questions et
discussions sur l’intérêt ou non d’avoir mis en place ce mode de
fonctionnement, je ne fait que constater que nos institutions ont été conçus
pour avoir ce fonctionnement.
Et le
Conseil Constitutionnel dans tous cela ? Même si sa responsabilité était
théoriquement majeur (protéger notre constitution) son rôle était pratiquement
limité ; il validait les chiffres des élections et puis, pas
grand-chose ; pour ce qui était des nouvelles lois, il ne pouvait être
consulté que par le Président de la République, le Président de l’Assemblée ou
celui du Sénat ; le Général de Gaulle à l’époque n’a jamais été un
masochiste demandant l’avis de ce Conseil, lequel lui rendait de même
bien ; la crise devint total quand il s’agit d’élire le Président au
suffrage universel : après le vote négatif du congrès (Assemblée plus
Sénat) sur l’organisation d’un référendum, le conseil constitutionnel se
déclara « incompétent » sur la validité du référendum organisé au
forceps par l’exécutif ; il dut manger son chapeau.
Une petite
éclaircie eu lieu pour ce conseil quand il invalida, en 1971 et après avoir été
saisi par le Président du Sénat Alain Poher, une loi controversé sur les
possibilités réglementaires de dissoudre une association ; cependant cette
décision demandé par Poher contre celui qui l’avait battu deux années
auparavant (Pompidou) avait plus le parfum d’une froide et politique
vengeance.
Et puis Giscard fut élu, et pour des raisons
que d’autres ont disséqués, il décida que 60 députés pouvait saisir le Conseil
pour lui demander de valider ou non la constitutionnalité d’une loi, possibilité
qui était jusqu’alors réservée à un des trois Présidents ; cela voulait
pratiquement permettre à la minorité parlementaire d’essayer de remettre en
cause une loi votée par la majorité : sous des apparences qui promettait
un meilleur équilibre entre « pouvoir » et « contre pouvoir »,
majorité et opposition, le ver avait été introduit dans le fruit : une loi
votée par le Parlement élu par et représentant du peuple, pouvait être remise
en cause par une juridiction dite supérieure, non qu’elle l’était au départ,
mais parce qu’elle le devenait par la possibilité qu’elle avait d’invalider, d’annuler,
une loi votée sous le prétexte que son analyse et sa décision était sur un
niveau supérieure à celle de l’Assemblée.
Depuis la
nuit des temps, quel que soit les situations, quand on donne un peu (ou
beaucoup) de pouvoirs à des hommes qu’ils fassent ou non partie d’une
structure, ceux-ci ont comme principal objectif de garder le pouvoir confié, et
cela toujours pour le plus grand bien du peuple ou de la nation.
Et puis,
petit à petit, le Conseil Constitutionnel élargit la base des éléments qui lui
permettait de valider d’où d’invalider une loi, cela n’était plus seulement la
Constitution Française qui lui permettait d’argumenter ses décisions, mais
aussi la Chartre de l’ONU, les textes fondamentaux de l’Europe, la
jurisprudence des Cours européennes …etc…, le buvard ne refuse pas l’encre
comme on dit.
D’autre
part, l’Assemblée Nationale et le Sénat avaient donné leurs accords à la
révision constitutionnelle qui réduisait le mandat du Président de 7 à 5
ans ; décision inoffensive ? Non ! Car si à cette époque les
deux élections (présidentielle et parlementaire) étaient prévus pour avoir lieu
en même temps, à quelques mois d’intervalle, le planning théorique aurait du
donner la primauté du vote aux parlementaires de plusieurs mois (plus ou moins
un semestre de mémoire) avant l’élection du Président, l’élan populaire
électoral aurait pu élire des députés PUIS un Président en accord avec
ceux-ci ; mais le premier ministre de cohabitation de l’époque (Mr Lionel
Jospin qui à, en 2018, été nommé à ce même Conseil Constitutionnel) put décider
par un arrêté de retarder les législatives pour les mettre après les
présidentielles, il était persuadé, mi 2012, être élu Président et avoir une
Assemblée à sa mesure ; patatras on connait la suite.
L’accord de
l’Assemblée à ces nouvelles dispositions fut pour le moins masochiste voir
suicidaire ; avec une Assemblée toujours élu après le Président, la
possibilité d’une cohabitation, durant lequel l’Assemblée retrouve la
possibilité non pas de nommer, mais de proposer un premier ministre issu de ses
rangs et d’accepter sa nomination, se trouvait fort improbable pour de très
longues années ; il ne restait aux députés qu’à parier sur un cheval/candidat/Président,
se mettre en valeur par rapport à celui-ci et voir ce que la législature
pourrait donner.
En 2008, le
dernier clou dans le cercueil du pouvoir de l’Assemblée, avec une prise de
contrôle indirect sur l’ensemble du législatif porte l’acronyme de QPC :
Question Préalable de Constitutionnalité » ; cela veut dire que toute
personne, tous Français peut, via son avocat, demander si la loi qui a été
votée par les parlementaires peut s’appliquer à son cas s’il est sur le point
d’être jugé ; nos députés n’ont plus qu’à faire des châteaux de sable.
Quand aux
textes fondamentaux sur lequel devrait s’appuyer le conseil, ils ont évolué au
même rythme que celui-ci voulait augmenter ses pouvoirs, lors d’une récente QPC
mi 2018, une décision du conseil fut prise, une loi fut invalidée, avec comme
argumentation la notion « Fraternité » qui est, avec Liberté et
Egalité, la devise de la République Française ; « aucune limite à mon
pouvoir » réplique culte de Dark Sidious / Sénateur Palpatine dans Star Wars
est devenu le devis du Conseil Constitutionnel.
Et
d’ailleurs, on voit bien que nos députés ont renoncés à leur pouvoir de faire
des « vrais » lois qui soient appliqués; très et trop souvent,
ils se contentent maintenant de se faire de la publicité, de faire du buzz, en
votant des textes dont on parle sur le moment, avec des projets présentés comme
révolutionnaires, emphatiques, voir provocants ; mais ils savent
pertinemment qu’ils sont plus ou moins stupides et qu’ils ne passeront pas
l’épreuve de la rue de Montpensier, car ils ne respectent pas les lois passées.
Ah ! Et si le
général voyaient toutes ces récentes évolutions ? Un parlement et un sénat
devenus terrains de jeu d’hommes politiques impuissants transformés en acteurs
ridicules ? Qu’en penserait-il ? Serait-il satisfait que ces
successeurs aient finis ce travail, cette mission anti-parlementaire ? Ou
serait-il effrayé de voir comment ces mêmes successeurs on-il pu aller si
loin ?
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