mardi 6 novembre 2018

Et le Conseil Constitutionnel pris le pouvoir à l’Assemblée Nationale

Tout le monde se rappelle l’arrivée au pouvoir, la nomination comme premier ministre du Général de Gaulle en 1958, tout fut parfaitement légal : le Président de la République le nomma après la démission d’un quelqu’un dont l’histoire n’a pas retenu le nom (Mr Pflimlin); d’une manière tout aussi légale, l’Assemblée accorda au général les pleins pouvoirs pour 6 mois, il est vrai que la situation en Algérie était explosive.
Cela sonna le glas de la IVème République, régime fondamentalement parlementaire comme l’était la IIIème, dont elle a gardé globalement le mode de fonctionnement ; le sens de mon propos n’est pas de juger si ces deux républiques avaient ou non remplis leur missions, obtenu plus de succès que d’échec; mais de constater que l’air du temps, la vision du Général de Gaulle, allaient entraîner un changement majeur dans le fonctionnement de la France, avec l’affaiblissement du pouvoir parlementaire au profit de l’exécutif : la Vème République se mit en marche, un exécutif fort et un Parlement dont la mission principale s’était réduit à voter les lois.
Cela aurait pu rester une mission importante, passionnante, et ce malgré que les débuts de la Vème aient bien démontrés que le Parlement n’avait plus beaucoup, voir aucun, pouvoir dans la nomination (ou le renvoi) des ministres y compris le premier d’entre eux. Une nouvelle fois, je m’épargne les questions et discussions sur l’intérêt ou non d’avoir mis en place ce mode de fonctionnement, je ne fait que constater que nos institutions ont été conçus pour avoir ce fonctionnement.
Et le Conseil Constitutionnel dans tous cela ? Même si sa responsabilité était théoriquement majeur (protéger notre constitution) son rôle était pratiquement limité ; il validait les chiffres des élections et puis, pas grand-chose ; pour ce qui était des nouvelles lois, il ne pouvait être consulté que par le Président de la République, le Président de l’Assemblée ou celui du Sénat ; le Général de Gaulle à l’époque n’a jamais été un masochiste demandant l’avis de ce Conseil, lequel lui rendait de même bien ; la crise devint total quand il s’agit d’élire le Président au suffrage universel : après le vote négatif du congrès (Assemblée plus Sénat) sur l’organisation d’un référendum, le conseil constitutionnel se déclara « incompétent » sur la validité du référendum organisé au forceps par l’exécutif ; il dut manger son chapeau.
Une petite éclaircie eu lieu pour ce conseil quand il invalida, en 1971 et après avoir été saisi par le Président du Sénat Alain Poher, une loi controversé sur les possibilités réglementaires de dissoudre une association ; cependant cette décision demandé par Poher contre celui qui l’avait battu deux années auparavant (Pompidou) avait plus le parfum d’une froide et politique vengeance.    
 Et puis Giscard fut élu, et pour des raisons que d’autres ont disséqués, il décida que 60 députés pouvait saisir le Conseil pour lui demander de valider ou non la constitutionnalité d’une loi, possibilité qui était jusqu’alors réservée à un des trois Présidents ; cela voulait pratiquement permettre à la minorité parlementaire d’essayer de remettre en cause une loi votée par la majorité : sous des apparences qui promettait un meilleur équilibre entre « pouvoir » et « contre pouvoir », majorité et opposition, le ver avait été introduit dans le fruit : une loi votée par le Parlement élu par et représentant du peuple, pouvait être remise en cause par une juridiction dite supérieure, non qu’elle l’était au départ, mais parce qu’elle le devenait par la possibilité qu’elle avait d’invalider, d’annuler, une loi votée sous le prétexte que son analyse et sa décision était sur un niveau supérieure à celle de l’Assemblée.
Depuis la nuit des temps, quel que soit les situations, quand on donne un peu (ou beaucoup) de pouvoirs à des hommes qu’ils fassent ou non partie d’une structure, ceux-ci ont comme principal objectif de garder le pouvoir confié, et cela toujours pour le plus grand bien du peuple ou de la nation.
Et puis, petit à petit, le Conseil Constitutionnel élargit la base des éléments qui lui permettait de valider d’où d’invalider une loi, cela n’était plus seulement la Constitution Française qui lui permettait d’argumenter ses décisions, mais aussi la Chartre de l’ONU, les textes fondamentaux de l’Europe, la jurisprudence des Cours européennes …etc…, le buvard ne refuse pas l’encre comme on dit.
D’autre part, l’Assemblée Nationale et le Sénat avaient donné leurs accords à la révision constitutionnelle qui réduisait le mandat du Président de 7 à 5 ans ; décision inoffensive ? Non ! Car si à cette époque les deux élections (présidentielle et parlementaire) étaient prévus pour avoir lieu en même temps, à quelques mois d’intervalle, le planning théorique aurait du donner la primauté du vote aux parlementaires de plusieurs mois (plus ou moins un semestre de mémoire) avant l’élection du Président, l’élan populaire électoral aurait pu élire des députés PUIS un Président en accord avec ceux-ci ; mais le premier ministre de cohabitation de l’époque (Mr Lionel Jospin qui à, en 2018, été nommé à ce même Conseil Constitutionnel) put décider par un arrêté de retarder les législatives pour les mettre après les présidentielles, il était persuadé, mi 2012, être élu Président et avoir une Assemblée à sa mesure ; patatras on connait la suite. 
L’accord de l’Assemblée à ces nouvelles dispositions fut pour le moins masochiste voir suicidaire ; avec une Assemblée toujours élu après le Président, la possibilité d’une cohabitation, durant lequel l’Assemblée retrouve la possibilité non pas de nommer, mais de proposer un premier ministre issu de ses rangs et d’accepter sa nomination, se trouvait fort improbable pour de très longues années ; il ne restait aux députés qu’à parier sur un cheval/candidat/Président, se mettre en valeur par rapport à celui-ci et voir ce que la législature pourrait donner.
En 2008, le dernier clou dans le cercueil du pouvoir de l’Assemblée, avec une prise de contrôle indirect sur l’ensemble du législatif porte l’acronyme de QPC : Question Préalable de Constitutionnalité » ; cela veut dire que toute personne, tous Français peut, via son avocat, demander si la loi qui a été votée par les parlementaires peut s’appliquer à son cas s’il est sur le point d’être jugé ; nos députés n’ont plus qu’à faire des châteaux de sable.
Quand aux textes fondamentaux sur lequel devrait s’appuyer le conseil, ils ont évolué au même rythme que celui-ci voulait augmenter ses pouvoirs, lors d’une récente QPC mi 2018, une décision du conseil fut prise, une loi fut invalidée, avec comme argumentation la notion « Fraternité » qui est, avec Liberté et Egalité, la devise de la République Française ; « aucune limite à mon pouvoir » réplique culte de Dark Sidious / Sénateur Palpatine dans Star Wars est devenu le devis du Conseil Constitutionnel.     
Et d’ailleurs, on voit bien que nos députés ont renoncés à leur pouvoir de faire des « vrais » lois qui soient appliqués; très et trop souvent, ils se contentent maintenant de se faire de la publicité, de faire du buzz, en votant des textes dont on parle sur le moment, avec des projets présentés comme révolutionnaires, emphatiques, voir provocants ; mais ils savent pertinemment qu’ils sont plus ou moins stupides et qu’ils ne passeront pas l’épreuve de la rue de Montpensier, car ils ne respectent pas les lois passées.
Ah ! Et si le général voyaient toutes ces récentes évolutions ? Un parlement et un sénat devenus terrains de jeu d’hommes politiques impuissants transformés en acteurs ridicules ? Qu’en penserait-il ? Serait-il satisfait que ces successeurs aient finis ce travail, cette mission anti-parlementaire ? Ou serait-il effrayé de voir comment ces mêmes successeurs on-il pu aller si loin ?