En ce milieu d'automne 2024, l'actualité s'est brutalement porté sur Sanofi et le Doliprane. Pourquoi ? Comment ? Les emballements médiatiques sont habituels mais, pour une fois, je connais assez bien l'histoire, étonnante et bizarre, de ce cette marque, de ce médicament.
Au départ, il y a le projet de Sanofi de céder, de vendre, sa branche "grand public", on dira OTC (other the counter), nommé Ophela, à des acheteurs. La raison en est simple : Sanofi veut se consacrer exclusivement aux produits d'innovation, qui sont assez uniquement prescrits par les médecins, voir les spécialistes. Or, il existe aujourd'hui deux grandes classes de maladies de médicaments associés :
1/ les produits grand public, pour les petits bobos, qui peuvent être acheter directement par les patients, dans des supermarchés ou en pharmacie, directement (d'ou l'expression OTC); pour ces petits bobos on considère que tous les patients en savent assez pour choisir eux-mêmes les traitements; par exemple, j'ai mal à la gorge, et je prends des médicaments contre le mal de gorge; bien évidemment, tous cela est contrôlé par les autorités de santé dites de tutelle.
2/ les produits de prescriptions, pour des maladies plus graves, prescrits par des médecins, avec des effets principaux importants et souvent des effets secondaires, toujours remboursées sauf cas exceptionnelles.
En résumé : grand public = automédication = non remboursé, et médecins = prescription = remboursé. La raison fondamentale est de ne rembourré que les maladies assez graves pour qu'un médecin la prenne en charge, et donc prescrive des médicaments dont seuls les médecins peuvent le faire: CQFD.
Ce schéma s'applique dans de très nombreux développés ayant des systèmes de santé avec prise en charge moyennant paiement, le type très classique des assurances santé. Tous les pays ? Non, sauf UN, en France on peut avoir des médicaments grand public, que le patient peut acheter et qui sont remboursés. Partout dans le monde ce schéma semblerait baroque, mais il ne faut jamais oublier qu'en France, nous avons la fonction publique, les fonctionnaires les plus créatifs voir perfectionnistes qu'il soit, et que le monde entier nous envie peut-être.
Et Le Doliprane est dans ce cas ! Médicament très connu (il fait partie des 10 marques dont les Français peuvent dire le nom en spontané) très utilisé (plusieurs centaines de millions de boites dans notre pays) et qui est tout à la fois grand public et remboursable, donc parfois (trop) souvent remboursé. Ce modèle peut-il être exporté dans d'autres pays ? A-t-il un avenir comme innovation dans d'autres pays ? Bien sur que non !
Le Doliprane contient 500 mg de paracétamol; est-il le seul médicament contenant ce principe actif ? La aussi non, il y a des dizaines de produits en France contenant du paracétamol, Efferalgan par exemple.
Au fait, le paracétamol est un vieux médicaments, passé dans le domaine public, il devrait être générique, non ? Partout dans le monde, on vend du paracétamol générique, mais pas en France; pourquoi ? Cela va être un peu plus compliqué à expliquer !
Dans beaucoup de pays, l'état laisse les entreprises décider, se battre, pour savoir si un produit a le statut de générique ou non; ainsi, aux USA, les fabricants de génériques étudient les dossier sur la propriété intellectuelle des principes actifs, et s'ils ont la conviction que le brevet d'une molécule est "tombé dans le domaine public", et bien il lance une copie, un générique. Cela se termine parfois par un procès entre le laboratoire propriétaire et le copieur (au grand plaisirs des avocats d'affaires) mais c'est la vie.
Chez nous, notre brillante administration prend les choses en main, et décide à partir de quelle date une molécule brevetée n'est plus protégée; est alors crée un "groupe générique" et les fabricants de génériques peuvent déposées des demandes simplifiées de commercialisation, simplifiées car il n'y a pas de partie "études cliniques". De plus, ils ont inventés le concept de "générique de marque", c'est à dire d'un produit contenant une molécule générique mais portant un nom de marque.
Et le Doliprane ? Et bien Sanofi a toujours prétendu (démontré ?) que le Doliprane n'as pas été le premier médicament à base de paracétamol, et qu'il est un générique de marque de ce principe actif. On peut aussi ajouter que des charters de députés ont été régulièrement envoyés à Lisieux, dans le Calvados, pour prendre conscience que l'usine qui fabrique le Doliprane emploie plusieurs centaines de personnes, et que 95 % de l'activité consiste à faire ces petites boites jaunes.
En résumé, une exception française, spéciale, absolument pas exportable, et qui fait de plus en plus désordre dans le panorama "médicaments" en France; d'ailleurs les gouvernements depuis au moins 20 ans ont souvent souvent essayé de se débarrassé.
Alors pourquoi tout ce touin touin sur la "dimension stratégique" ?